L’exposition « Août 1944 Libération de Toulouse en manga » au Castelet, présentée par Éléonore Dujardin
À l’occasion de l’anniversaire des 80 ans de la libération de Toulouse, du 11 juillet 2024 au 15 janvier 2025, le Castelet accueillera une exposition en partenariat avec l’École Internationale du Manga et de l’Animation (EIMA) intitulée : Août 1944 Libération de Toulouse en manga. L’événement aura lieu quelques jours seulement après le Festival international du manga (FIM) à Toulouse, co-organisé également par l’école EIMA et la librairie Le Comptoir des rêves, avec pour thématique principale : Libérations.
« Tout a commencé il y a deux ans, lorsque deux de nos élèves, Séléna Mercier et Marie Desnoyer, ont signé chez Ankama la publication d’une saga historique en plusieurs tomes consacrée à un groupe de résistants à Toulouse pendant la Seconde Guerre mondiale. David Madec, directeur des Monuments de Toulouse, nous a alors contactés directement pour proposer d’organiser au Castelet une exposition sur le sujet. »
« À titre personnel, en tant que petite-fille de survivants des camps de concentration, le sujet m’a immédiatement intéressée et émue. J’ai aussitôt vu une occasion unique, grâce à l’école EIMA et au travail créatif de nos élèves, de proposer au public une approche moins institutionnelle de ce thème, en créant une exposition immersive capable de convoquer tous les sens, et de parler, grâce aux codes du manga, un langage narratif et visuel contemporain, dans le but également de faciliter le partage mémoriel et la transmission auprès des jeunes générations. »
« J’ai vécu plusieurs années aux États-Unis et j’ai ainsi pu m’inspirer de plusieurs expériences muséales, notamment à San Francisco, où cette mise en spectacle des événements historiques est pratiquée plus couramment qu’en France sur ce type de sujet. Mais au-delà de ces références, nous devions trouver notre propre style, et pour moi, le manga était un média idéal pour créer une expérience émotionnelle puissante et progressive. Pour exploiter ces qualités, nous avons conçu une innovation formelle qui invite le public à entrer dans un espace où des éléments se proposent dans une déambulation qui va du plus sombre vers la lumière, des années d’occupation jusqu’à la Libération de la ville et du pays. »
« Afin de construire cette narration, nous nous sommes fixés deux règles dès le départ : s’adresser à nos visiteurs dans leur langage, et déployer un récit à travers le regard de personnes qui, à l’époque, en ont été les objets plutôt que les sujets : les enfants, les femmes, les Juifs, les exilés du franquisme… Car nous voulions rendre compte de la diversité de tous ces vécus. »
« J’avais également demandé à nos élèves de favoriser un traitement positif de ces récits, sans édulcorer pour autant la réalité historique, pour gagner en intensité émotionnelle, parfois même en puissance poétique, et pour illustrer un esprit de résistance plus large que sa définition strictement historique et militaire. »
Un voyage graphique
«Nous avons travaillé en collaboration étroite avec le Castelet, un monument historique symbole de pouvoir et du passage de la vie à la mort. Nous avons conçu notre exposition comme une déambulation, un dialogue avec ce lieu qui l’accueille, en veillant à s’intégrer à l’exposition permanente. Par exemple, nous avons ajouté des oeuvres temporaires à la salle des portraits pour créer des effets saisissants de contraste et d’enrichissement, l’idée générale, étant d’apporter une page supplémentaire au puissant récit que propose déjà ce lieu de mémoire. »
« Les visiteurs sont ainsi invités à effectuer un voyage graphique qui part du plus sombre vers le plus clair, on passe progressivement d’un univers de bande dessinée réaliste en noir et blanc à l’illustration et à la couleur. Ce parcours est émaillé de surprises visuelles telles que des vitrophanies qui représentent des portraits façon manga découpés en vitraux, des courts-métrages et des animations, des objets comme la reproduction d’un vélo d’époque et d’une boîte aux lettres qui illustrent le travail de messagerie de la Résistance… »
« Au cours de ce voyage graphique, le public découvrira également les étapes de création d’un manga et des éléments qui ont été prévus pour entrer en résonance avec les enjeux contemporains, ce qui est d’ailleurs une constante esthétique dans l’écriture d’un manga historique. Cette dimension de l’exposition vise notamment à intéresser plus précisément les jeunes et leurs parents qui ont grandi avec le manga. »
« C’est d’ailleurs une autre caractéristique de cette exposition que je trouve particulièrement touchante et passionnante : la jeunesse et la diversité de nos créateurs. En effets, nos élèves ont en moyenne entre 17 et 25 ans, ils viennent de la France entière et de l’étranger, toutes les confessions religieuses sont représentées, avec une belle parité filles-garçons, une grande diversité ethnique et de genres : il s’agit donc dans ce projet que cette nouvelle génération de mangaka s’approprie ce sujet et le transmette à ses pairs avec ses propres codes et par une sorte d’effet miroir. »
« Il nous revenait, bien sûr, de leur donner les bons outils et de les encadrer pour qu’ils puissent contribuer dans un bel équilibre entre imaginaire et rigueur. cette approche nous a permis d’obtenir une matière originale, et très vivante. »
« Nous avons lancé l’idée en septembre 2023 et les premiers ateliers en décembre. Je suis à l’origine du concept, mais sans l’intervention de David Madec, rien n’aurait été possible. Le projet a mobilisé 50 jeunes artistes encadrés par mon collègue François Sikiç, responsable pédagogique à l’EIMA, qui a coordonné les actions des élèves, trouvé des solutions techniques et les bons contacts pour assurer une production de grande qualité à coût raisonnable. »
« Du côté du Castelet, nous avons bénéficié de l’appui d’Élodie Sourrouil, chargée de production culturelle qui a suivi et validé nos propositions et nos idées, et de Philippine de Marcellus, chargée de la médiation, une dimension au coeur de nos préoccupations car nous nous adressons, avec cette exposition, aussi bien aux adultes, aux adolescents et aux enfants. »
« Sans oublier le soutien de Nicolas Galiana, qui gère les boutiques des musées toulousains et qui nous a notamment aidés pour la réalisation de produits dérivés respectueux de notre démarche d’hommage, tels que des marque-pages, des planches de timbres, des maquettes d’avions d’époque à peindre soi-même… »
« Maurice Lugassy, professeur de français au lycée de Blagnac et coordinateur régional du Mémorial de la Shoah pour tout le Sud de la France, est aussi l’auteur de deux livres sur la Résistance à Toulouse. Il nous a donné deux conférences passionnantes sur les thèmes de l’armée juive et de la Résistance en images… »
« Pour donner encore plus d’ampleur à l’événement, nous avons noué des partenariats avec le cinéma Le Cratère et la Cinémathèque de Toulouse pour des projections en plein air cet été. Au Cratère, 3 séances sont prévues précédées par une reconstitution documentaire d’époque à partir de documents d’archive. »
« Pendant les vacances de la Toussaint, nous prévoyons des ateliers de création de manga en marge de l’exposition, afin que chacun puisse s’approprier les outils qui ont permis de créer les oeuvres qui les ont émus en tant que visiteurs. »
« L’inauguration est prévue le 11 juillet à 18h, et nous prévoyons d’inviter les Ambassadeurs de Toulouse à venir partager avec nous ce beau moment ! L’exposition sera visible jusqu’à janvier prochain. Je vous invite donc tous à venir découvrir le travail de nos équipes et de nos élèves, et à faire passer le mot autour de vous ! »
Pour en savoir plus sur l’exposition : https://www.toulouse-tourisme.com/agenda/aout-1944-liberation-de-toulouse-en-manga/
Interview réalisée le 28 mai 2024 d’Éléonore Dujardin, directrice de l’EIMA et commissaire de l’exposition Libération de Toulouse en manga. Publication pour la Newsletter du Club des Ambassadeurs de Toulouse Métropole – Juin 2024 – Réalisation : Iriade, iriade.fr.