Philippe Dandin est Ambassadeur de Toulouse. Il découvre la Ville rose comme élève de l’ENM en 1988 et s’y installe de manière permanente dès 1993. Océanographe et climatologue, il est actuellement le directeur de l’École Nationale de la Météorologie (ENM) qui vient de fêter ses 100 ans, dont 40 années à Toulouse.

« L’école a connu ses premiers jours en 1922 sous l’impulsion de Lucien Dürr au sein de l’Office National Météorologique (ONM). C’est en 1969 qu’elle acquière son nom actuel (École Nationale de la Météorologie) et le statut officiel de Grande École. En 1982, sur décision du Premier Ministre Pierre Messmer, l’ENM s’installe à Toulouse aux côtés de quelques unités de chercheurs, de l’EERM (Établissement d’Études et de Recherches Météorologiques), le futur CNRM (Centre National de Recherches Météorologiques). Et c’est en 1991 que les services opérationnels de météorologie sont basculés de Paris à Toulouse. Imaginez 500 agents déménagés en une nuit afin d’assurer la continuité du service dès le lendemain ! En 1993, la Direction de la Météorologie Nationale devient Météo-France. La Météopole toulousaine est déjà, à cette époque, très proche de celle que nous connaissons aujourd’hui. »

« Nous avons voulu marquer ces deux dates fondatrices de notre école, 1922 et 1982, par des commémorations associant élèves et anciens élèves, et tout spécialement une journée de célébration interne le 18 octobre dernier, autour d’un colloque anniversaire. Joël Collado, qui a été présentateur de la météo à Radio France et professeur à l’ENM, l’a animée. On a pu entendre les témoignages et les allocutions de nombreux invités dont Anicet Le Pors, ancien ministre et ancien élève de l’école (promo 1950 !), Virginie Schwarz, actuelle PDG de Météo-France, mais aussi Jean-Claude Dardelet, adjoint au Maire de Toulouse, ou Christian Gollier, directeur de l’École d’Économie de Toulouse… »

« Service de Météo-France et donc sous tutelle du Ministère de la Transition Écologique, l’ENM forme des ingénieurs et des techniciens supérieurs pour l’État, les Armées mais aussi pour le secteur privé. Nos élèves deviennent des spécialistes de la météorologie et du climat, des sciences de la planète, sans oublier le numérique qui occupe une place de premier plan dans ces domaines. »

« J’ai coutume de dire que nous sommes une petite Grande École. J’entends par là que nous formons environ 350 élèves par an, recrutés pour les principaux cursus aux niveaux Bac, pour les techniciens, via des concours dédiés, et Bac+2 ou plus, pour les ingénieurs, sur concours ouverts aux Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (filières MP, PC, PSI, et depuis cette année BCPST), concours spécial Master, concours internes ou par diverses passerelles (Prépa des INP, L3…). Nous diplômons notamment 60 ingénieurs par an, dont 50% sont fonctionnaires et 50% partent dans le secteur privé, 40 spécialistes en météorologie-océanographie pour les trois armées. »

« Petite par la taille, certes, mais elle est grande par sa mission : la météorologie est considérée comme un savoir d’importance stratégique, garante de l’indépendance du pays. Le changement climatique ne fait que renforcer l’enjeu de développer des connaissances et de fournir des services en matière de gestion des risques et d’adaptation. La continuité et la fiabilité du service sont primordiales tant pour nos armées que pour nos populations civiles, pour la sécurité et pour l’économie. »

« La formation constitue le socle de la performance météorologique. Nous sommes étroitement intégrés à Météo-France, et ainsi au meilleur niveau mondial. C’est une chance extraordinaire car nos élèves progressent avec les meilleurs praticiens de l’Établissement et plus largement de Toulouse. Ils ont accès aux matériels de pointe, dont le super-calculateur de Météo-France. C’est un modèle d’apprentissage et de formation de spécialistes unique au monde ! »

« Le site de 50 hectares que nous partageons avec Météo-France est propice aux études, aux échanges professionnels, mais aussi soumis à des contraintes de sécurité. »

« Autre élément remarquable, dont nous sommes fiers, c’est que nos élèves choisissent l’ENM par vocation, par passion, non par classement, et c’est un vrai bonheur de transmettre à des jeunes engagés et ayant trouvé comment concilier sens et profession. Cet attachement à nos missions est très fortement transmis par nos enseignants actuels, qui sont presque tous d’anciens élèves de l’école. Tous ensemble, nous sommes conscients des défis liés au changement climatique, sensibles aux enjeux de transition écologique et énergétique, et mobilisés pour y contribuer. »

« L’école forme donc des spécialistes très pointus, mais qui doivent être des professionnels ayant une culture large. Nous nous donnons pour objectif de former nos élèves en ouvrant leur esprit à d’autres dimensions, qui font que nos informations et messages vont être bien reçus et conduire à des prises de décision : cela passe par la capacité à bien comprendre les enjeux d’un secteur, ou par la compréhension que des mécanismes sociaux, économiques, juridiques ou encore cognitifs interviennent dans les processus d’aide à la décision. »

« Au-delà de nos activités de recherche, d’observation et d’interprétation des phénomènes naturels liés au climat et à la météorologie, nous devons apprendre à nos élèves à diffuser leurs connaissances auprès d’un large public pour l’informer bien sûr, mais aussi pour le sensibiliser en ayant recours parfois à des images, des référentiels non scientifiques mais qui marquent les esprits, et toujours se souvenir que l’action requiert davantage que la simple prévision d’un aléa ou, comme dit la formule : que l’équation du monde est plus complexe que ne le sont nos équations de physiciens ! »

« Pendant notre colloque anniversaire, nous avons eu le témoignage d’un ancien élève qui nous a raconté son parcours fait d’élargissements successifs vers de nouvelles disciplines issues des sciences sociales. C’est une possibilité de complément de formation que j’aimerais développer au sein de l’ENM, avec l’idée que chacune et chacun en sorte avec l’envie d’élargir sans cesse sa culture et de s’ouvrir aux apports pluri-disciplinaires. À l’inverse, l’ENM devrait également intéresser d’autres cursus de formation, dont les diplômés s’enrichiraient à mieux comprendre les questions météo-climatiques ! »

« Par exemple, si vous annoncez des vents de 130 km/h, chiffre impressionnant pour le météorologue, vous devez vous demander ce qu’il veut dire exactement pour un public profane. En revanche, si vous précisez que soumis à un tel vent, même le plus costaud des athlètes s’envole (prenez pour exemple le plus fort du moment !), on a là une image bien plus parlante, qui sous-entend également le risque réel à s’exposer à de tels vents. Le message est alors clair : restez chez vous ! »

« Soutenant cette formule, de nombreuses sciences sont mobilisées. Ce sont de telles idées qui, à l’aube des années 2000, ont conduit à la Vigilance météorologique, dont on sait l’utilité et le succès. Face aux multiples défis qui nous attendent, nous devons aussi comprendre les mécanismes qui vont au-delà de nos sciences et nos techniques, pour espérer être pleinement utiles. »

« Nous avons rencontré la même difficulté pour parler du changement climatique. Pour beaucoup, et encore aujourd’hui, le réchauffement global a des conséquences plutôt agréables : la possibilité de profiter des stations balnéaires plus longtemps, par exemple, ou de bénéficier d’une plus longue exposition au soleil dans les régions plus au Nord et donc peut-être d’un certain sursaut touristique, alors pourquoi s’en plaindre ? Agir commande d’élargir notre regard et notre compréhension du monde et de la société. Les météorologues doivent être curieux et ouverts ! »

« Le dialogue intergénérationnel joue aussi un rôle très important, très apprécié du trio élèves-actifs-retraités. À l’occasion de notre journée anniversaire, nous avons réalisé plusieurs interviews croisées entre personnes de générations différentes pour mettre en scène ce dialogue et pour l’approfondir. Nous avons invité nos élèves à participer à une grande plongée mémorielle dans les archives accessibles de l’ENM, de Météo-France et des anciens élèves, actifs ou retraités. 40 posters retraçant notre histoire ont ainsi été réalisés avec l’implication des élèves. Ce retour vers l’histoire nous semble primordial pour envisager l’avenir d’une école, véritable pépite qui mérite d’être développée, et pour se convaincre que tout reste encore à créer, qu’il y a toute une histoire qui attend d’être écrite avec les progrès que nous réserve l’avenir et qu’amèneront nos diplômés. »

« Membre du Réseau des écoles du MTE, de l’Institut National Polytechnique de Toulouse, de l’Université fédérale de Toulouse Midi-Pyrénées et de la Conférence des Grandes Écoles, l’ENM est en lien avec les grands acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur. Elle contribue à différents Masters et offre des cursus variés en lien avec d’autres institutions académiques, avec possibilités d’échanges, de parcours croisés et/ou double-diplômes (INPT, INSA, Master SOAC, ISAE, ENTPE, ENAC, ENSG…). »

« Du point de vue démographique, 35% de nos élèves sont des filles, avec des promos qui atteignent la parité. Ce phénomène de féminisation de la filière a débuté dans les années 50, mais véritablement dans les années 70, et s’est accéléré depuis, gagnant en quantité et en qualité jusqu’à offrir sans distinction de genre l’accès à des postes de niveau cadre supérieur. Est-il besoin de le rappeler, l’actuelle PDG de Météo-France est une femme, Virginie Schwarz, et elle a auparavant occupé des postes importants dans les domaines de l’énergie et de l’environnement… »

« Nous avons peu d’élèves étrangers. La plupart d’entre eux sont issus de la Francophonie : nous avons par exemple des accords avec de nombreuses écoles à l’étranger, dont au Maroc, en Algérie et au Niger où sont formés les météorologues de 17 pays d’Afrique et de Madagascar. »

« Enfin, nous avons notre incubateur, le MétéoFab, qui accueille des entreprises qui souhaitent travailler avec Météo-France et que nous intégrons le plus possible à nos actions de formation. L’entreprenariat et l’intraprenariat sont des modes de pensée et de savoir-être qui nous paraissent essentiels aujourd’hui et que nous souhaitons transmettre à nos élèves. Nous le faisons également dans le cadre d’un accord avec l’ISAE-Sup’Aero, école partenaire depuis les années 30. »

« Pour finir, j’invite les Ambassadeurs qui le souhaitent à venir nous rencontrer le 11 février 2023 de 10h à 16h, lors de notre prochaine Journée Portes Ouvertes, pour une information détaillée sur la scolarité à l’ENM, les débouchés, le recrutement et la vie sur le site. Les étudiants souhaitant intégrer l’école et leurs familles y sont les bienvenus ! »

Visiter le site officiel de l’ENM.


« En bonus, voici un diaporama qui retrace l’histoire de l’école depuis ses premiers jours jusqu’à aujourd’hui, et qui a servi de support de présentation pendant notre colloque anniversaire. »


Interview de Philippe Dandin, Directeur de l’ENM, École Nationale de la Météorologie, réalisée le 26 octobre 2022. Publication pour la Newsletter du Club des Ambassadeurs de Toulouse Métropole – Novembre 2022. Crédits photos : © Météo France, © Christophe Ciais, © Malo Tiriau, © Adrien Peyrat, © Fabrice Dupont, © ENM. Réalisation : Iriade, iriade.fr.